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Beate et Serge Klarsfeld, un combat contre l'oubli

Sylvain DORANGE

La Boîte à Bulles

  • Conseillé par (Libraire)
    10 septembre 2020

    Remarquable

    La couverture de la BD dit beaucoup. Beate Klarsfeld crie dans un mégaphone. Elle est l’activiste, la révolte en mouvement et en paroles. Serge Klarsfeld est en robe d’avocat, un ouvrage de « La Loi » à la main. Il est l’action judiciaire, l’homme des procès. En fond, des silhouettes sépia, évanouies et évanescentes représentent le combat de leurs vies: rendre justice à ces déportés, leur redonner existence et honneur. Un détail enfin: chacun serre la main de l’autre dans un geste de tendresse et de solidarité. La vie des Klarsfeld est en effet indissociable de leur vie personnelle. Cette Bd remarquable montre à quel point leur action commune est le puissant moteur de leur amour fusionnel.

    On savait beaucoup de choses de leur histoire depuis la publication en 2016 de « Mémoires".. Cette fois ci sous le prisme de la Bd et du regard extérieur de deux auteurs, leur existence prend une autre forme paradoxalement plus intime, le dessin montrant ou évoquant des situations et des sentiments que les mots peuvent parfois édulcorés.
    Avant d’être des combattants, le couple Klarsfeld est d’abord un couple amoureux et le trait de Sylvain Dorange rend à merveille la tendresse et la connivence de ces êtres que tout dissocie pourtant au départ. Derrière ces lunettes, Serge ressemble parfois à un Pierrot lunaire, alors que les yeux en amande de Beate, comme dans les portraits de Modigliani, portent au loin vers des rivages où l’amour seul est insuffisant. Il fallait beaucoup de connivence pour obtenir ces confidences si personnelles, ces moments d’intimité qui apportent beaucoup à la biographie « officielle ».

    A travers un scénario syncopé, qui joue sur les couleurs pour différencier les périodes, la Bd raconte aussi comme une évidence les combats connus des époux. D’abord, la volonté, à travers la contestation de la nomination de Kiesenger comme chancelier, d’obliger l’Allemagne à regarder son proche passé qu’elle tente d’oublier. Ensuite la traque des criminels de guerre comme Barbie, Touvier, Lischka, Papon et tant d’autres. Il se dégage de cette lecture prenante, édifiante et didactique un sentiment d’admiration sans mesure pour ces combats qui revêtent parfois à leurs débuts des formes de naïveté mais qui vont prendre du poids et de la consistance au fur et à mesure des années. La prise de conscience collective réalisée, le droit remplace l’agitation et l’implacable et inusable combat des Klarsfeld prend toute sa mesure. Les visages des déportés reprennent forme conformément au voeu de Serge Klarsfeld lorsqu’il se rend à Auschwitz Birkenau sur les traces de son père disparu dans ce camp. Dans un magnifique dessin double page, à l’écart des visiteurs, Serge au pantalon court et rayé, comme une esquisse de déporté, décide d’entamer un retour sur lui même. Et de débuter son combat de réhabilitation.

    Complétée par des photos personnelles émouvantes en fin d’ouvrage, cette BD remarquable met à la disposition du plus grand nombre, l’histoire d’un combat a priori perdu d’avance mais gagné finalement. Dans un engagement citoyen hors norme, Béate et Serge Klarsfeld ont démontré que des individus pouvaient lutter contre des états injustes. Ils l’ont fait main dans la main. Sans jamais se laisser vivre.

    Eric