Château Lagrézette

Il était une fois près de Cahors, dans le département du Lot, non loin de la rivière du même nom, un château vieux de près de six cents ans, le château Lagrézette.
Il était à l'agonie depuis plus d'un siècle et entouré de vignes exténuées qui n'attendaient que l'arrachage. Cet abandon était d'autant plus consternant pour le coeur et pour l'esprit que la carcasse était superbe et le site magnifique. En outre, si la vigne est cultivée dans le Quercy depuis deux mille ans, ce ne peut être sans raison.
Le château était l'expression remarquable d'une synthèse exemplaire entre l'architecture militaire médiévale et celle de la Renaissance. L'alliance était parfaite entre la sévérité de la première et l'aménité de la seconde. Malgré son délabrement, Lagrézette restait la frappante illustration d'un mouvement majeur de l'histoire en Occident : le passage de la méfiance et du repliement à l'ouverture décisive sur la lumière. La lumière au sens propre - les fenêtres remplacent les meurtrières - et au figuré, par l'épanouissement des savoirs.
Et quel site ! Sur trois cent soixante degrés du rebord du plateau où s'élevait le château déchu, on ne voyait presque rien d'humain ; la pure nature seulement. On aurait pu se croire sur une île déserte. Pas de maisons, pas de poteaux, aucun pylône, aucun bruit mécanique. Une nature, semblait-il, laissée à elle-même depuis sa construction, s'étendait tout autour à perte de vue lui faisant un immense écrin.
L'illusion de solitude aurait été parfaite sans la présence loin vers le nord d'une construction correspondante par l'ampleur et par le style à Lagrézette lui-même.
Au-delà des frondaisons échelonnées en masses profondes vers la rivière invisible et de sa vallée abrupte, un autre château se détachait dans le [...]